Action, selon la célèbre saillie de Raoul Walsh207, serait le substantif auquel se rapporte la définition essentielle du cinéma. Cette ontologie du médium ne se concentre pas sur la notion d'enregistrement, mais sur le sujet de ce dernier : l'action serait une catégorie générale permettant de rassembler les mouvements des acteurs et des personnages associés. René Clair, qui a commencé sa carrière de cinéaste à la même époque que Walsh, lui fait écho en parlant du mouvement comme de l'essence première du cinéma208. L'action, comme mouvement perpétuel constituerait potentiellement le fondement du cinéma, tous genres confondus, mais le genre qui nous intéresse s'approprie le substantif, devenant le film d'action - comme si un film pouvait être d'une autre nature - ou actioner, selon sa dénomination américaine. Les films répondant de cette catégorie sont supposément plus actifs, ou resserrés sur l'action, en même temps qu'ils s'approprient l'essence du médium. Pour autant, les films d'action sont globalement perçus comme des produits de divertissement peu dignes de considération. En effet, l'Action209 exacerbe l'action210, toute manifestation physique allant dans le sens d'une dépense d'énergie, et favorise donc le corps - au détriment des idées. Pour cette raison, l'Action est souvent perçue comme genre mineur, "l'épithète" semblant "un rien infamante", voire "fourre-tout"211.

La définition du genre Action, comme celle de tout genre, est intrinsèquement problématique, et peut orienter vers la définition de corpus variés, sinon divergeants. La définition donnée par Steve Neale, par l'exemple, intègre des films de notre corpus, mais aussi des cas plus frontières :

Aujourd'hui, le terme "action-aventure" est surtout utilisé pour décrire ce qui est apparu, dans les années 80 et 90 comme une nouvelle tendance dominante dans la production d'Hollywood, tendance illustrée par les films Alien (1979, 1986, 1993), les films Indiana Jones (1981, 1984, 1993), les films Rambo (1982, 1985, 1988), les films Die Hard (1988, 1990, 1995) et les films Terminator (1984, 1991), ainsi que des films comme Total Recall (1990) Point Break (1991), The Last of the Mohicans (1992) et Braveheart (1995)212.

Cette proposition rassemble en effet des cas forts différents : la franchise Alien comporte des scènes d'action (à des degrés d'ailleurs variables, selon les films) mais se rattache à la science-fiction, tout comme Terminator ; Indiana Jones répond plutôt d'une tradition revisitée et parodiée de l'aventure, tandis que The Last of the Mohicans et Braveheart se rattachent avant tout, de par leur sujet et leur époque d'inscription, à la fresque historique. La recherche d'une définition, rendue ici bancale par le rassemblement d'un corpus représentatif, pourrait se résoudre par la négative : Michael Hammond, dans le même ouvrage, traite de Saving Private Ryan, film qu'il détache du genre Action en définissant ce dernier comme "tonitruant" et tenant du "simple divertissement"213.

Parallèlement, l'Action s'impose dans notre étude comme le genre le plus ostensiblement riche en héros, chaque film semblant voué à mettre en image l'émergence d'un personnage hors du commun. Théoriquement, un genre qui se définit par un intérêt exacerbé pour le mouvement de ses figures semble un contexte idéal pour le héros, quintessence du personnage, perfection du corps humain accomplie par la rencontre d'un acteur et d'un réservoir de trucages214. Pour cette raison, nous choisissons d'orienter notre analyse autour d'une pré-définition du genre comme genre du corps, guidée à cet égard par Paul McDonald :

On peut considérer que les films d'Action appartiennent à un genre du corps. Dans le cinéma d'action, le corps est mis en relief, et son importance est rendue évidente. Si l'étude des corps idéalisés de certaines stars présente de l'attrait, il ne faudrait pas oublier que ces films présentent un panel de corps dont la diversité dépasse de loin le seul modèle de perfection des hommes et femmes d'action215.

Nous questionnerons ci-après les limites de notre corpus, et plus généralement la définition du genre Action ; cependant, nous souhaitons marquer ici cette intention : le genre Action sera saisi dans ce chapitre comme genre du corps, et plus particulièrement, du corps héroïque. Le film d'action se distingue selon nous d'autres genres non par sa violence, ou par son caractère éminemment divertissant, mais par cette attention, et parfois cette obsession, pour les mouvements du corps - principalement masculin. Ce corps, cependant, arrive au film d'action chargé d'anciennes connotations, que nous avons déjà carressées dans le chapitre précédent.

En effet, nous avons vu que le héros d'action hérite du westerner, par le biais du vigilante : ce dernier accomplit la transition qui fait perdre à l'homme de l'Ouest les grands espaces pour le replacer anachroniquement dans un décor urbain. Quand on évoque le terme action, il s'élève immédiatement la question du "comment". Les films s'attachent d'ailleurs à développer un répertoire de gestes en les faisant varier. L'interrogation ne se situe pas du côté de l'issue, puisque dans ce genre le happy end semble de mise, mais sur les moyens physiques déployés pour y parvenir : le héros se bat, se déplace (par la course, ou en utilisant des véhicules), évite les dangers mortels (en dehors des risques encourus lors de combats, la chute reste la menace la plus fréquente), sauve ses concitoyens en danger et met un terme à l'action du méchant. Plus ponctuellement, le héros d'action se rapproche des figures de l'espion et du détective, en élucidant des énigmes ou en retrouvant une personne disparue ou cachée. Toutes ces actions sont en général motivées par un prétexte, sauver le monde de la destruction ou de l'annexion par une puissance ennemie, parfois incarnée dans un objet de plus petite échelle qu'il faut retrouver, et autour duquel la narration va être structurée. Cet objet renvoie au "MacGuffin" d'Alfred Hitchcock, mais peut aussi prendre d'autres dénominations ; Ben Singer, commentant le mélodrame du début du XXe siècle, emploie le terme de "weenie" qui peut être "le talisman, la chose, le gros objet, le fétiche, le MacGuffin, la commodité216" qui oriente le récit. Ce mode de l'action constituera un premier pan, auquel répond la question de la localisation (le ) : nous verrons que la sphère d'influence du héros évolue tout au long de l'histoire du genre.

Ainsi l'Action constitue le cœur de notre étude puisque son nom même suggère un attachement du genre aux personnages héroïques et à leur programme. Si tous les héros, dans tous les genres, doivent mettre en œuvre leur action pour s'affirmer, qu'en est-il du héros mis en action dans un genre du même nom ? Comment la définition problématique de la catégorie Action entre-t-elle en résonance avec le devoir d'action du héros américain ? Suffit-il au héros de se mouvoir pour être en action, pour être héroïque ?

1.1 Action : une formulation de l'exploit dans l'espace

Le programme du film d'action, de 1980 à nos jours, prend la forme d'un "grand nettoyage", dans lequel arsenaux et explosions participent à l'identité visuelle du genre. Contrairement à la technicité et au sens du gadget qui préside à l'invention des arsenaux dans la franchise James Bond, l'arsenal du héros d'action s'exprime dans la quantité et par la démesure de la force de frappe. Les artilleries lourdes avec lesquelles le public a pu se familiariser dans les films de guerre apparaissent dans des usages recontextualisés au cadre urbain, souvent dans un rapport d'échelle décalé, où les armes d'assaut servent à tuer des gangsters. Enfin, ce site217 qu'est la ville joue le rôle de scène, en tant que sa fonction consiste à rendre visible le héros dans sa spécificité héroïque. Le statut de l'espace dans le film d'action est particulièrement ambigu, puisqu'il joue à la fois comme décor (il rend visible) et absence de décor (il se rend visible dans le temps même qui est celui de sa destruction).

La ville est au centre du film d'action, puisqu'il n'y a effectivement pas d'actioner rural218. Le héros d'action semble devoir, dans le temps du film, déployer une énergie, c'est-à-dire non seulement la dépenser, mais aussi lui donner la forme de l'exploit, l'action devant nécessairement être spectaculaire. Toutefois, la ville et son bâti, sa grille, sa circulation humaine et automobile gêne tout autant qu'elle rend visible les exploits en question : c'est pourquoi, alors que l'Action semble le lieu idéal d'émergence pour un candidat à l'héroïsme, elle constitue également le genre au sein duquel l'héroïsme se définit au regard d'une contrainte, contrainte avant tout spatiale. C'est par ce biais que nous tâcherons de définir l'héroïsme et ses contradictions. Rappelons que dans le chapitre précédent, cette exigence de définition, devenue souci de taxinomie, nous a laissé entrevoir un héros hybride, certes, mais qui des années 80 à nos jours tend à se désincarner. En nous saisissant du genre Action, virtuellement peuplé de héros réactionnaires et musculeux, nous souhaitons mettre cette hypothèse à l'épreuve et nous demander si le héros d'action peut malgré tout être en crise, et selon quelles modalités il le peut.

Nous avons évoqué l'importance de la ville, scène et site de cette Action : nous nous intéressons d'abord à la relation qui lie le héros à son territoire, et la trajectoire qui semble déterminer le déroulement des récits. Les passages dans des lieux confinés, la forme canonique de la poursuite et sa radicalisation dans le film de traque seront autant de passages qui mettront à l'épreuve, sinon le personnage, au moins l'héroïsme qu'il porte en germe. L'exploit n'est pas univoque, et l'expression, parfois exagérée, des possibilités du héros peut également définir un corps pris en défaut par ce qui semblait garantir sa force : le muscle peut dissimuler un corps creux, ou un état physique qui se résume à la dépense d'énergie. L'analyse des carrières et des persona d'acteurs emblématiques, tels Arnold Schwarzenegger et Sylvester Stallone, nous aidera à déconstruire l'héroïsme du corps musclé.

En repérant des signes de crise héroïque dès les années 80, nous ouvrirons la brèche, enfin, pour analyser les prolongements du genre dans les années 2000 : de la même façon qu'un western "crépusculaire219" émerge dans les années 60, il semble exister une forme d'actioner crépusculaire, dans lequel le héros vieilli ou fatigué poursuit son action tandis que le sens de celle-ci est directement remis en cause. Cette crise menace le déroulement de l'action même, puisqu'elle implique la présence de discours, et donc l'interruption de ce mouvement perpétuel que nous avons précédemment évoqué.

Enfin, nous nous éloignerons de l'examen du héros au sein d'un champ générique - l'Action - pour redonner à ce concept sa signification première, celle d'un substantif renvoyant à des modes d'agir. Que peut faire le héros, sinon agir ? Y a-t-il un héroïsme qui ne soit pas d'action (nous l'avons vu, la question se pose de façon identique pour le cinéma) ? Nous renverserons cette idée d'un héros essentiellement actant pour analyser son revers, un héros voyant, doublement voyant, en tant que sa perception est augmentée (tel le détective capable de voir l'indice) ou en tant qu'il se révèle être visionnaire (tel l'oracle). Ce dernier point nous permettra de renouer avec une exigence qui ne relève pas du classement, mais de l'identification d'un héroïsme reformulé autrement que sur le mode satirique ou nostalgique. La polarité voir / agir nous permettra de mieux saisir la possibilité, et les enjeux, de cet héroïsme nouveau.

1.2 Limites du genre et constitution du corpus

Il nous faut dans un premier temps définir - malgré les difficultés d'une telle démarche, évoquées dans le chapitre précédent - une formule minimum du genre, tout en retenant que les exceptions seront pour nous davantage des occasions d'éclairer un système que des éléments à exclure de notre corpus. Cette entreprise de classement du genre Action peut sembler aisée en raison de l'aspect "monolithique220" du corpus associé : cette apparente facilité repose sur l'existence de topoï forts, issus des films eux-mêmes et des parodies dont ils ont été la cible. Il faut donc revenir aux films, l'idée du genre tendant parfois à noyer leur visibilité. Le film d'action se caractérise par sa focalisation sur un personnage unique et souvent solitaire qui va s'employer à purger l'espace - et donc le cadre - de toute menace pour lui et ses concitoyens, comme c'était déjà le cas dans le film catastrophe221. Le film d'action constitue en effet une forme cousine de ce dernier. Les situations quotidiennes existent pour mieux voir ressurgir le désastre, qui occupe l'essentiel du récit. Le film d'action se compose donc de scènes d'exploits paroxystiques, souvent très destructrices, qui dessinent une forme d'apocalypse urbaine : feux, inondations, crashes automobiles composent alors une apocalypse locale - souvent limitée à un centre urbain. Le film d'action semble fonctionner222 plutôt que se dérouler : il relève d'une fonctionnalité du corps, qui dans l'Action devient essentiellement actant. Le héros, pour être héroïque, doit sauter, courir, affirmer un corps dont l'essence est le mouvement. L'absence de ce mouvement équivaut à la mort pour le personnage, et, parallèlement, l'absence d'action est globalement antithétique au genre.

Le film d'action croise de nombreux genres, et son hybridité semble du même coup telle que son identité propre se résume du coup à quelques emblèmes (dont il n'a pas l'exclusivité) : explosions (visibles dans les films de guerre), armes à feu (largement exploitées par le film de gangsters), etc. Une liste de ces genres serait par trop systématique, mais nous évoquerons cependant ici quelques ramifications. Nous avons déjà évoqué les relations entre le film d'action et le western, ou le film noir. Dans ce dernier cas, nous avons vu que le décor urbain constituait un legs transmis au film d'action. Toutefois, comme cela va souvent être le cas avec les genres cités ou recyclés, les éléments génériques d'origine sont reformulés. Par exemple, le film noir place fréquemment un personnage dans un décor urbain qui va l'écraser : la photographie contrastée de certains films (The Killers) voit les personnages engloutis par leur ombre, qui par sa proximité chromatique semble sortir du décor lui-même223. Dans l'action, la relation entre corps et décor est l'objet de nombreuses variations, si bien que l'un ne domine jamais complétement l'autre. Quand Rambo, au cours du second film de la franchise, se fond dans le paysage, il s'agit d'un camouflage qui révèle une intimité avec le terrain, et donc une supériorité par rapport à un ennemi - pourtant local. Toutefois, le récent Rambo (Sylvester Stallone, 2008) termine le cycle en montrant le soldat retourner chez son père. Un travelling nous éloigne de la maison, et le décor sur lequel évolue Rambo le nanifie pour la première fois : s'il a gagné son dernier combat, il devient un citoyen anonyme dans la Nation qui l'avait d'abord rejeté. John McClane est également un exemple de cette alternance du rapport de domination entre le héros et son environnement. Nous argumenterons cependant que le héros d'action est plus souvent dominé qu'il n'y paraît. L'action hérite donc bien du film noir, en tant qu'elle y prélève un décor, mais aussi une fonction du héros. Parmi les héros d'action, une forte proportion exerce la profession de policier, dans la droite lignée du hard-boiled cop du film noir.

Habité par les figures tutélaires du westerner et du policier à la peau dure, le film d'action est également imprégné d'une tendance à la destruction systématique qui ne lui appartient pas totalement. Trois genres semblent ici avoir transmis leur goût pour le désastre : le film catastrophe, le burlesque, et dans une moindre mesure le péplum. Le film d'action et le film catastrophe reposent tous les deux sur la fascination suscitée par la destruction. Celle-ci, dans les deux genres, menace fréquemment d'être totale, à plusieurs échelles : il peut s'agir d'une petite communauté ou du monde dans son entier. Le film catastrophe cependant, rend la nature (ou l'erreur humaine)224 responsable du désastre, tandis que le film d'action cible en général un individu à l'ethnicité marquée (russe, arabe), cerveau d'une organisation terroriste. Le mal a donc ici un visage unique : même si un groupe de méchants opère, c'est toujours le chef qu'il faut éliminer en dernier, ici sur le modèle du western.

Parallèlement, le Bien se présente souvent sous la forme unique du héros. Même lorsqu'il est aidé (buddy movie) ou accompagné, il reste le garant de la situation. Dans le film catastrophe, même si des figures héroïques émergent, leur effort devient celui d'un collectif, et par extension celui du corps social. Cette différence est sensible au niveau du découpage : alors que le film catastrophe doit faire l'usage d'un montage alterné pour suivre tous les personnages (par exemple situés à différents niveaux d'un immeuble dans The Towering Inferno), le film d'Action vit dans le présent de son héros, et fait se succéder les prouesses. Le genre catastrophe a poursuivi un temps une existence indépendante, notamment dans les années 90 où des films comme Volcano, Dante's Peak et Twister ont réactivé les premiers succès du genre dans les années 70. Cependant, la proximité entre les deux formes est suffisante pour qu'à la suite de ce revival, on observe des convergences grandissantes d'un genre à l'autre. Daylight reproduit par exemple fidèlement la structure narrative du film catastrophe, en enfermant ses personnages dans un tunnel new-yorkais qui menace de s'effondrer. La présence de Sylvester Stallone, et l'autonomie de son personnage au cours des différentes scènes, témoignent d'un brouillage des limites d'un genre à l'autre225. En résumé, nous pouvons utiliser ce rapprochement pour mettre en évidence la valeur particulière du héros d'action, qui fait face au désastre comme dans le film catastrophe, mais avec son seul corps : la destruction à grande échelle ne peut être arrêtée que par un individu, représentation symbolique d'un groupe plus grand226.

Il serait également intéressant de procéder à ce questionnement en procédant par la négative, en se demandant quels genres l'Action n'absorbe pas. Selon Mark Gallagher, la comédie coïncide mal avec le format de l'Action :

Les conventions prescrites par le genre ont historiquement limité les échanges entre les films d'action et la comédie. L'inversion de la hiérarchie sociale pratiquée dans la comédie met potentiellement à mal la situation dominante du héros masculin, et cette transformation pose de sérieux problèmes structurels au cinéma d'action227.

Si le film d'Action fait usage d'humour, il le fait donc d'une façon qui ne décrédibilise pas son héros228, en demandant par exemple la complicité du spectateur, sur le mode du clin d'œil : ce sera par exemple le ton de Die Hard. Le film d'action peut cependant devenir comique malgré lui, selon le principe évoqué par Jean-Louis Leutrat et Suzanne Liandrat-Guigues : "Dès qu'il y a répétition, stéréotypie, la parodie n'est pas loin229". Cependant, il existe un lien, sans doute plus discret, entre le film d'action et le film burlesque. Tous deux, nous l'avons évoqué, partagent un goût de la destruction mais plus encore du même type d'opération résultant dans cette destruction. En lisant par exemple Petr Král, la proximité devient manifeste entre les deux genres et entre les types de corps qu'ils font surgir. L'auteur parle en effet de la tendance du burlesque à pousser les choses dans leur "fonctionnement "maximal"230", qui semble tout autant qualifier les excès du film d'action : dans Die Hard, du scotch orné par des motifs de Noël devient le moyen de sauver des otages de la menace terroriste. L'obsession du genre burlesque pour la matière, le monde sensible, semble également partagée par les films d'action231 ; selon Král, elle est l'origine de la catastrophe. Cette grande purge à laquelle se livre le burlesque va de pair avec la sérialité de ses productions, et là encore l'Action semble adopter ce principe, en se livrant à de gigantesques tabula rasa, comme pour laisser la place à de prochaines aventures. Les points communs ne surgissent pas seulement au niveau structurel, mais aussi sur le plan des détails. Fabien Gaffez repère l'usage conjoint de "figures" comme la poursuite, la chute ou la bagarre232. Au niveau précis du geste lui-même, Král parle de héros qui, "dans l'esprit du capitalisme sauvage233" s'approprient un vélo parce qu'ils en ont tout simplement besoin : nous pensons alors au geste tout à fait identique de John McClane dans Die Hard: With a Vengeance ; si l'on prend la voiture comme référence, les exemples seraient dès lors trop nombreux, tant le comportement est classique dans le genre Action. Nous pourrions ainsi continuer la liste des ponts tendus entre les deux genres, pour repérer une même légèreté dans le mouvement234, une absence de parole qui donne le primat au corps, une fascination pour la machine235 ou encore, au niveau de la réception, un même mépris qui a frappé les deux genres. Nous reviendrons sur les convergences identifiées notamment dans la partie de ce chapitre plus particulièrement consacré au corps du héros.

Cependant, les deux genres célèbrent tous deux le mouvement, mais avec une visée bien différente. Alors que le burlesque produit justement du mouvement sans but, déployant des personnages qui "s'agitent plus qu'ils n'agissent", l'Action est toute entière soumise au but ultime recherché par les personnages. Certes, ces buts varient peu, mais leur présence est constante. Sauver le monde, ou le voisinage, parfois seulement soi, voilà le principe qui anime nos héros. La dépense est excessive, mais elle n'est jamais gratuite dans l'Action. De la même façon, ce but garantit que l'action ne dérive jamais. Elle peut grossir, perdre ses proportions originales, mais jamais ne dévie ; tandis que le burlesque se plaît au contraire à greffer des situations "parasitaires236" sur le récit principal. Enfin, alors que ces situations moutonnent, accablent le corps et le soumettent à toutes les expérimentations, le burlesque prend le parti du plus faible237, et conséquemment se rebelle contre les valeurs établies. L'Action est en revanche un genre de l'homme fort, qui prêche en faveur du status quo. C'est là une contradiction aussi spectaculaire que le genre lui-même : chaque film détruit immeubles, institutions et monuments avec méthode, pour mieux réaffirmer leur nécessité. Le héros agit, sauve le monde, mais pour mieux réinstaurer l'ordre qui existait avant la crise en réaffirmant la solidité des structures sociales et familiales.

C'est en cela que le genre Action se distingue du péplum, bien que les personnages des deux genres fonctionnent largement autour de l'exhibition du corps masculin musclé. Les péplums exposent fréquemment le renversement d'un pouvoir illégitime, ou un changement de la structure des institutions grâce à l'ascension d'un héros populaire ; le genre Action, au contraire, propose des récits retournant en dernier lieu à leur point d'origine, en confirmant la légitimité du pouvoir établi - même si le héros méprise par ailleurs les instances dirigeantes dont il a fait le jeu. Le péplum, lorsqu'il ne puise pas dans des intrigues familiales ou politiques, possède souvent une charge mystique, amenée par des récits bibliques (The Robe en 1953, The Ten Commandments en 1956), aspect le plus souvent absent des films d'action (ou alors dans des cas frontières, comme Constantine en 2005, plus proche du genre fantastique). Enfin, le héros de péplum, même s'il est dominant dans le récit, ne possède pas la même place que le héros d'action dans les films concernés. En effet, les péplums sont souvent caractérisés comme des fresques. L'analyse du genre par David Bigorgne dans un article consacré au retour du péplum-opéra fait un usage fréquent d'une terminologie picturale238, et pour cause : les péplums sont en général des films longs, introduisant une large galerie de personnages, mais aussi des foules anonymes, tout en s'intéressant aux paysages, mais aussi aux us et coutumes de l'époque dépeinte. En comparaison, le film d'action semble plus "sec", resserré autour d'un nombre minime de personnages, et principalement focalisé sur le héros dans le temps de son action et pas de sa déambulation, de son long emprisonnement ou de son exil, comme c'est le cas du péplum qui utilise sa durée à plein, parfois pour raconter la vie d'un personnage (The Ten Commandments, Ben-Hur). Ceci nous permet de pointer un problème dans la critique qui s'attache au film d'Action. Ce terme d'excès (excess) permet souvent de qualifier le genre dans son entier, mais l'exemple du péplum montre bien que les types d'hyperbole sont nombreux239 - et cela pour tous les genres "excessifs" que nous avons cités. L'excès d'un Sennett n'est pas celui d'un DeMille, malgré les points de comparaison possibles. Nous reviendrons sur l'hybridité générique du film d'action, ici esquissée en nous appuyant sur les personnages, mais devons présentement nous intéresser au système économique rendu nécessaire par le film d'Action, qui lui aussi se situe du côté d'un certain paroxysme, et explique la difficile saisie du genre.

Le film d'action s'emboîte, quoique imparfaitement, dans les trois catégories du "film-concert240", du film high concept et du blockbuster. La première catégorie, pensée par Laurent Jullier, rassemble des films qui se caractérisent par un montage rapide, un son omniprésent (musique forte en dolby-surround, bruits de chocs exagérés) et un récit dont la réception s'effectue dans le présent (au lieu de renvoyer à l'effectivité d'un moment passé, qui a été filmé241). Jullier explique ainsi que le film-concert est la forme favorite du film post-moderne, qui se fonde sur le principe du "recognize and enjoy242". Dans cette formule, les choses ne valent pas pour leur contenu, mais pour les images antérieures de ce contenu que le spectateur reconnaît et apprécie en jouissant de leur familiarité. Nous avons évoqué des occurrences de ce principe en parlant de The Big Lebowski, qui prend moins pour référent l'Ouest historique que la somme de ses transcriptions à l'écran. Le film-concert fait ainsi participer son spectateur sur le mode de la reconnaissance, mais aussi au niveau d'une immersion des sens. Ce dernier aspect correspond à ce qui est souvent appelé, dans le discours commun, un "effet clip". Jullier parle ainsi de la supériorité de la bande son sur l'image dans le film-concert, produisant ce qu'il appelle un "bain de sensations243". La dissociation de l'image et de la piste sonore entraîne une perte de leur référent profilmique commun ; image et son mènent alors des vies distinctes, orientées vers l'impact sensoriel de leurs propositions respectives. Cette perte du référent recoupe la question du point de vue. Jullier remarque ainsi que le film post-moderne propose des points de vue rarement anthropomorphiques244, ce qui se vérifie tout particulièrement dans le film d'Action245. Le témoin supposé par la présence de la caméra est un corps sans poids, sans limites physiques, qui peut tourner sur lui-même, bouger aussi vite que les travellings le suggèrent, et suivre le héros dans les espaces les plus restreints qui soient. De l'absence d'anthropomorphisme dépend précisément la définition du héros comme tel : si le héros peut être physiquement suivi par un cameraman imaginaire, sa position cesse d'être impensable, et ne relève plus de l'exploit. La vision, dans le film d'action, n'est donc plus réglée par un œil imaginaire, mais se fait à la mesure du corps : un corps qui va vite justifie le ralenti, un corps qui réalise de beaux gestes nécessite la mise en place d'un instant replay246. Selon cette définition, les films d'action seraient non seulement des films sur des corps en mouvement, mais aussi des films qui s'adressent au corps du spectateur, sur le mode de la sensation.

La définition du "high concept" recoupe celle du film-concert. Rachel Williams, utilisant les travaux de Justin Wyatt, le définit ainsi :

C'est un film "qui possède une identité stylistique très marquée, d'ordre générique, et qui repose sur des types de personnages reconnaissables. De façon plus importante, c'est aussi un film qui possède des éléments pouvant particulièrement faire l'objet d'un marketing et d'accroches publicitaires. En somme, c'est un film dont le récit central peut être résumé à un concept d'une ligne, et une image simple et percutante, et / ou un logo qui trouvera sa place sur les affiches du film et sur les autres supports publicitaires247".

D'abord utilisé dans l'industrie, par les producteurs et réalisateurs, le terme a depuis glissé vers un usage plus commun, et des connotationsparfois péjoratives. Le high concept repose sur la généricité des produits, leurs possibles combinaisons et la répétition de certains arcs narratifs familiers248. Ils sont également, comme les blockbusters, très liés aux stars. Comme l'explique Justin Wyatt, certaines associations entre une star et un genre relèvent très évidemment de la catégorie high concept : par exemple, la rencontre entre Clint Eastwood et le thriller évoque ce type de produit249. Wyatt note également que l'industrie utilise le terme de façon prescriptive ("prescriptive manner"), pour obtenir des scripts qui correspondent aux attentes des studios, tandis que la critique s'empare du terme comme critère d'évaluation ("evaluative sense250").

Ainsi, film-concert (ou film post-moderne) et high concept s'appliquent globalement à un même ensemble de films, mais en décrivent des aspects différents. L'idée de film-concert définit un corpus de films sur la base de leur réception, et plus précisément des sensations procurées au spectateur. Le high concept se situe à l'autre extrémité de ce spectre, du côté de la production des films, mais aussi, ultimement, du côté de la réception critique des films. Néanmoins, ces définitions se complètent et mettent en lumière les principes fondamentaux du film d'action : il se doit d'être efficace, riche en sensations physiques et références au genre pour séduire le public le plus large possible. Ici le high concept croise l'idée, proche, du blockbuster : le film d'action doit également sa forme au contexte économique qui le voit naître.

Notre corpus incluant d'abord des films des années 80, il serait pratique d'utiliser l'échec de Heaven's Gate (en 1980) comme marqueur temporel. Tom Shone a relativisé la portée symbolique prise par les résultats au box office du film, en signalant les échecs plus retentissants encore des Blues Brothers et de Honky Tonk Freeway (1980 et 1981). Joël Augros adresse un reproche similaire à l'auteur de cette convention, Peter Biskind251, et replace l'accent, comme Shone, sur les succès des premiers blockbusters dans les années 70252. Jaws (Steven Spielberg, 1975) et Star Wars (George Lucas, 1977) représentent les deux modèles sur lesquels va se baser la production des deux décennies suivantes - avec bien sûr des inflexions en fonction des succès et des échecs de films qui pour la première fois, sont produits pour devenir des blockbusters. Autrement dit, les producteurs anticipent sur de fortes recettes en investissant des budgets imposants, dédiés souvent pour moitié au seul marketing.

Il faut donc tempérer le diagnostic de crise qui accompagne souvent les écrits sur l'économie du cinéma hollywoodien dans les années 80. La situation est certes critique pour les majors, qui intègrent des conglomérats253. Cette intégration va permettre au blockbuster de prendre place dans un système de synergies. Cette stratégie est rendue nécessaire par la concurrence faite au cinéma par la télévision, le câble et le marché de la vidéo encore naissant, mais en croissance exponentielle. Pour garantir leurs bénéfices, les majors contrôlent tous les aspects de la production : le film est le produit central, et ses recettes peuvent être augmentées par la distribution en vidéocassette, les séries télévisées reprenant la trame du film et tous les produits dérivés (jouets, vêtements, la liste est longue). Shone voit dans Superman (Richard Donner, 1978) un des premiers exemples de synergies, puisque la Warner a "nourri" toutes ses branches de production avec la production du film (en produisant des making-of pour la télévision, des comic books, des flippers...). Dans ce système, le film va peu à peu perdre de sa centralité en tant que produit, et devient presque la bande annonce qui servira à vendre les produits dérivés254. Récemment, ce principe s'est même radicalisé au point que le film lui-même est devenu le produit dérivé d'un univers déjà existant, comme le montre la sortie de G.I. Joe: The Rise of the Cobra en 2009, dont le récit exploite l'univers des poupées G.I. Joe distribuées par Hasbro dès les années 60.

Dès la fin des années 80, les revenus générés par ces marchés parallèles deviennent en règle générale supérieurs aux recettes du film seul255. En termes de distribution, les années 80 s'imposent comme la décennie qui aura permis aux majors de regagner le contrôle sur les écrans, un avantage dont les avaient privées les consent decrees de 1948256. Ce contrôle leur permet de distribuer largement et massivement leurs blockbusters, selon un principe de saturation des écrans257. Ce type de distribution à grande échelle va rendre nécessaire un marketing agressif, donc coûteux. Par ailleurs, le blockbuster renvoie aussi à un modèle économique nouveau dans les années 80 dans le sens où les films sont distribués massivement à l'étranger - à tel point, qu'en 1993, les recettes des films américains à l'étranger dépassent les recettes réalisées sur le sol des États-Unis258. Cette large distribution a contribué à faire entrer les personnages les plus emblématiques de l'action dans une mythologie transnationale. Tout en étant marqué par une forte "américanité", le héros d'action semble ouvert à l'appropriation du public étranger, à tel point qu'il a été question ces dernières années dans la presse de la construction d'une statue de Rocky à Zitiste, Serbie259, ou d'un pont rebaptisé "Chuck Norris" en Slovaquie260.

Parler du blockbuster, c'est donc renvoyer plus généralement à un contexte économique où les films ont pris une valeur individuelle plus importante qu'à l'époque des studios, où les coûts de production ont considérablement augmenté, et avec eux, le revenu minimum nécessaire à atteindre pour que le film soit rentable. Ainsi, ces grands budgets, la simplicité des formules et le marketing jugé parfois envahissant ont participé de la dévaluation critique du blockbuster, et en conséquence, du film d'action. Perçus d'abord comme des produits, les films d'action ne bénéficient pas de la signature de l'auteur-réalisateur, étant reçus avant tout comme des films de producteurs261. Toutefois, cette vision, qui est souvent celle de la critique, tend à oublier que les années 70-80 n'ont pas inventé le blockbuster. Certes, Warren Buckland et Tom Shone, entre autres, posent le début de l'ère du blockbuster à la sortie de Jaws en 1975. Cependant, nous aurions tendance à suivre Thomas Schatz, dont la perspective sur le sujet permet de tempérer cette apparente nouveauté. Si le film de Steven Spielberg annonce en effet sa future domination sur le box office américain dans les années 80, le blockbuster existait avant lui, dans la lignée de Gone With the Wind (1939) et des prestige films dans les années 40, puis des biblical epics à grand budget dans les années 50-60262 (Ben-Hur en 1959, Lawrence of Arabia en 1962). Ainsi, les années 80-90 ont davantage consacré le blockbuster comme modèle, tandis que l'économie s'est remodelée de manière verticale autour de ce type de produit, et de la forme associée (des scripts conventionnels, des stars, et une auto-qualification du film comme blockbuster). Cependant, si cette définition s'applique à la plupart des films de notre corpus, il ne faut pas conclure trop vite que tous les films d'action sont des blockbusters. Toute la production de série B autour de stars comme Jean-Claude Van Damme ou Steven Seagal participe largement de la définition du héros dans les années 80-90, dans des films qui servent de véhicules à ces stars, comme les blockbusters, mais avec des budgets inférieurs et une distribution beaucoup plus limitée (parfois sur le seul marché de la vidéo). Plus généralement cependant, en termes de contenu, la formule économique du blockbuster est souvent perçue comme ayant appauvri la production hollywoodienne.

Thomas Schatz évoque ainsi le diagnostic pessimiste du critique Richard Schickel :

Hollywood semble avoir perdu, ou abandonné, l'art de la narration... [Les réalisateurs], en général, n'affinent plus du tout leurs histoires, ils réchauffent des "concepts" (comme ils aiment à les appeler), affinent des gimmicks, en s'assurant qu'il ne reste plus de complexités pour encombrer notre discours lorsqu'il est temps pour nous de lancer le bouche à oreille263.

Thomas Schatz comprend "art de la narration" ("the art of narrative") comme une structure en trois actes, composée de phases d'exposition, de complication et de résolution ("exposition, complication and resolution264"). Le blockbuster s'accompagnerait de nouvelles modalités narratives, ce qui contribuerait, toujours selon Schickel, à une perméabilité croissante entre les genres, progressivement absorbés par l'action-aventure ("action-adventure") et la comédie. La perte du récit au bénéfice de la sensation est souvent reprochée au film d'action, ou, selon des modalités moins critiques, l'emploi de l'épithète "post-moderne" suffit à suggérer une rupture entre le film de divertissement (super-genre dont le film d'action relève) et le cinéma hollywoodien dit classique. Il faut cependant noter que cette idée d'une pauvreté des récits propre au film d'action a été ponctuellement contestée, par exemple par Scott Higgins, qui relève dans le film d'action la permanence de certaines structures mélodramatiques265, telles que la libération des otages, le face-à-face ("standoff") et la poursuite. David Bordwell observe une continuité similaire dans la construction des intrigues entre le cinéma classique et les formulations plus récentes du film hollywoodien, et notamment du film d'action266. Tout en reconnaissant l'évolution radicale de certains principes (notamment l'accélération du rythme des intrigues, la réduction de la durée des scènes), Bordwell voit dans le storytelling hollywoodien un principe central sans cesse reformulé, à la manière de la perspective dans l'histoire de l'art occidental267. Si nous suivons ces deux observations, nous ne souhaitons pas pour autant en déduire une totale permanence des schémas structurels ou stylistiques des films. Que certaines règles d'écriture perdurent, soit ; nous ne voudrions pas pour autant réduire la spécifité du genre Action, qui est bien réelle, mais plutôt parer au reproche traditionnel de vacuité narrative fait à son encontre.

Plus généralement, nous aimerions ici résoudre la difficulté qui peut préexister au choix du genre Action comme centre de notre analyse. Il est important, lorsqu'on analyse des films comme Commando, ou Die Hard de prendre la mesure de leur statut culturel, largement décrié. Pensons seulement au ton d'une critique du film The Spirit (Frank Miller, 2008), qui fait pourtant partie du sous-genre plutôt estimé du film de super-héros268. Brian Wilson, auteur de la critique, présente un discours typique des détracteurs du film d'action, en opposant un idéal du genre, potentiellement ouvert au traitement de "problématiques culturelles et sociales" ("social and cultural issues") à la réalité des films s'inscrivant dans celui-ci, relevant d'une "fuite" du monde réel ("escapism") et d'un "divertissement creux" ("mindless entertainement269"). Dans la même revue, un autre commentateur reproche à tous les films de super-héros réalisés jusqu'en 2009 de manquer de profondeur ("tous les films du cycle actuel de super-héros sont sans profondeur270"). Notre étude portant qui plus est sur une analyse approfondie des corps des héros et de leur être-au-monde, il nous faudra être consciente du fait que le film d'action est souvent disqualifié comme objet d'étude valable (sur le plan esthétique au moins), et, sans chercher à le racheter pour autant, ou à fantasmer un sens profond contenu par les films du corpus, nous nous attacherons à analyser ces films de manière globale, sans ironie ou distanciation intellectuelle.

Nous avons ainsi examiné le contexte économique en tant qu'il a modelé la structure et la forme (dans la mesure où celles-ci peuvent être séparées) des films d'action, il nous faut à présent voir comment ce même contexte a pu contribuer au brouillage progressif et croissant de quelques barrières génériques. Nous revenons ici au terme même d'Action, trop flou, trop général, et à la nécessité d'en comprendre la structure si nous voulons traiter de ses héros.

1.4 Une tentative de définition par l'origine

Comme tout genre, la définition du champ "Action" est problématique. Ce genre est parfois compris, souvent par la critique française, comme une fonction, une sur-catégorie enveloppant des genres bien différents. "Film d'action" inclurait ainsi les films de guerre, les films d'aventure, le film historique, certains films de science-fiction, les films de cape et d'épée, dans le sens où "tout film d'action tend vers le spectaculaire et [...] à cet égard l'ensemble du genre se distingue radicalement du drame et de la comédie271". Cette définition reflète l'ambiguïté du terme même d'Action et induit la question suivante : y a-t-il seulement un cinéma qui ne soit pas d'Action ? Pour donner au label un peu de précision, nombreux sont les auteurs qui lui attachent la notion de spectacle - le tout souvent chapeauté par la catégorie économique du blockbuster. C'est globalement la ligne théorique de l'ouvrage Action and Adventure Cinema dirigé par Yvonne Tasker, et plus manifestement encore de Action/Spectacle Cinéma dirigé par José Arroyo. En admettant que le film d'action découle de cette sur-catégorie de l'action-aventure au cinéma, la recherche d'une origine peut nous aider à trier différentes acceptations de l'appellation, d'autant plus que les limites du genre semblent devenir de plus en plus poreuses avec son évolution, comme le note Eric Lichtenfeld :

Alors que des films comme ceux de la série Pirates of the Caribbean (2003, 2006, 2007) et National Treasure (2004) n'auraient peut-être pas été considérés comme des films d'action au cours des décennies précédentes, ils méritent aujourd'hui cette désignation, principalement parce que le genre action est devenu une catégorie de plus en plus amorphe pour classer les films272.

Même si nous suivons ici Lichtenfeld concernent son observation sur ces deux films, nous souhaitons également rappeler que cette hybridité croissante a justement permis un retour aux sources : ces dernières, des films comme The Expendables (2010) ou The Raid (2012) reviennent à la formule pour lui rendre hommage ou la renouveler.

Accolée à "spectacle", l'action appelle très ouvertement la catégorie du cinéma d'attractions pensée par Tom Gunning. Selon ce dernier, le cinéma récent (dans le contexte de 1986) exemplifié par Spielberg et Lucas reprendrait des éléments du premier cinéma, tels que la poursuite ("chase sequence273") ou, du côté de la réception, la stimulation sensorielle du spectateur. Cette piste nous intéresse, puisqu'elle montre le lien profond entre le principe de l'Action (mouvement perpétuel et résonance physique de ce dernier chez le spectateur) au cinéma, dès ses débuts. Et en effet, le terme, ainsi que la catégorie générique correspondante, s'est imposé très tôt dans la critique cinématographique. Vachel Lindsay fait même du Film d'Action (parfois aussi nommé "Film de Poursuite274") la première catégorie de son classement par genres (comprenant Le Film d'Intimité, ou le Film de Foule, entre autres). En 1915, c'est selon lui "le genre le plus simple et le plus répandu275", dont The Man's Genesis (D. W. Griffith, 1912) ou Shoulder Arms (Charles Chaplin, 1918) constituent des exemples. La définition de Lindsay nous intéresse, car elle est minimale, et décrit la formule du film d'Action comme course, direction, trajectoire276.

Il est donc fréquent d'identifier une naissance conjointe du cinéma et de la forme primitive du film d'Action277. Les remarques qui en découlent peuvent présenter des directions pour notre étude du héros. Ainsi, Jennifer Bean décrit The Hazards of Helen (1914-1917) en des termes que rejoindra notre appréciation du corps héroïque, en évoquant un personnage dont la psychologie, effacée, est dominée par les agissements du corps278. Nous serons toutefois moins catégorique dans notre approche : la présence obsédante du corps dans le film d'Action n'équivaudra pas pour nous à une perte en contenu narratif, mais à la constitution d'un récit par et dans le corps - ce n'est pas que le film d'action n'a pas d'histoire (un reproche souvent adressé, nous le verrons), mais qu'il raconte l'histoire d'un corps. Enfin, le rapprochement avec le premier cinéma éclaire un dernier aspect du film d'action, son modernisme intrinsèque. Dans sa version contemporaine, le film d'action utilise voitures, bus et bateaux pour ses poursuites, et se fascine manifestement pour l'innovation technologique. Le serial quant à lui incarnait déjà la rencontre de deux modernités, celle du cinéma et de la voiture, et de leur imagerie commune du défilement. L'actioner, s'il a bien sûr évolué depuis les années 10, conserve et reformule cette croyance en la technique et cette identification aux machines dont il enregistre le mouvement. Il y a là une forme de circularité entre la machine d'enregistrement et la machine filmée, qui résulte ultimement en une machinisation du corps du héros, aspect que Bean associe aux aventures précoces d'Helen ("a mechanical character279").

L'origine du film d'action dans le cinéma premier explique la difficulté de la définition du genre. Après les serials, de nombreux films ont fait usage de scènes d'action, des swashbucklers où s'illustrait Douglas Fairbanks à un ensemble de films comportant des poursuites en voiture au tournant des années 70 (Bonnie & Clyde dès 1967, Bullitt en 1968 et The French Connection en 1971). Deux définitions existent donc du film d'action. Tout d'abord, une définition inclusive rapporte au genre "action" une somme de genres, du western au film de guerre : le terme action-aventure renvoie en général à cette catégorie. L'anglicisme s'est d'ailleurs exporté, et on rencontre parfois en France, au détour d'un magasin de location de vidéo la catégorie "action-aventure". Ce dernier exemple paraîtra trivial, et pourtant : si la catégorie est utilisée dans ce contexte, c'est qu'elle possède, de par le brouillage qu'elle opère, une grande fonctionnalité. Ce découpage autorise en effet une grande élasticité, et se justifie si l'on observe les genres hollywoodiens dans leur globalité. On rencontre par exemple cette catégorie dans l'ouvrage Hollywood, la norme et la marge de Jean-Loup Bourget280. Ici, les films d'action et d'aventures désignent le western, le film de guerre et le film historique et même potentiellement le film de science-fiction. Il s'agit dans ce cas d'un emploi généraliste du terme "action", qui n'est pas contradictoire avec notre approche, qui vise elle à resserer le propos autour de l'Action, forme spécifique de l'action héroïque masculine. Néanmoins, le lecteur pourra s'étonner de ne pas trouver dans les pages qui suivent d'analyse concernant Romancing the Stone (Robert Zemeckis, 1984), Raiders of the Lost Ark (Steven Spielberg, 1981) ou encore la franchise Pirates of the Caribbean (quatre films de 2003 à 2011). Ces films mettent bien en scène des héros masculins, mais leur orientation thématique nous empêche de les placer dans la catégorie de Die Hard ou Speed. Le MacGuffin, dans le film d'aventure, prend souvent la forme d'un bien précieux (un diamant vert, les tables de la lois ou une boussole magique dans nos exemples précédents), ce qui rend la quête des personnages plus personnelle. En conséquence, les personnages de films d'aventure peuvent être plus diversement caractérisés, et n'offrent pas la rigueur morale que l'on rencontre chez un Rambo ou un McClane. Dans certains cas, la défaite d'un ennemi menaçant peut s'adjoindre à l'appât du gain : Indiana Jones cherche autant l'arche contenant les tables de la Loi qu'il essaie de la soustraire à la convoitise des Nazis. Cependant, c'est la contextualisation qui pour nous dissocie radicalement le film d'aventures de l'actioner. En effet, le film d'aventures repose sur le déplacement du héros américain dans une contrée exotique, sauvage, qu'il lui faut maîtriser - ce qui permet de rejouer, en dehors du territoire américain, le récit de conquête liée à la Frontière dans le western. Le film d'action connaît certes des délocalisations similaires, notamment dans les films de POW (mais aussi dans Rambo: First Blood Part II ou encore Commando), mais la délocalisation, une fois effectuée, n'est pas renouvelée, alors que le principe du film d'aventure est justement de multiplier les tableaux dans des cadres constrastés (la ville, puis la jungle colombienne dans Romancing the Stone par exemple). À ce déplacement géographique de l'action du film d'aventure correspond un changement du centre de gravité du film, qui n'est plus le héros, mais plus largement le territoire inconnu, ses menaces, sa topographie et pourquoi pas des autochtones, à l'hospitalité variable.

Un dernier genre corollaire peut sembler irriguer l'Action : il s'agit du film de cape et d'épée, ou swashbuckler. Nous serons amenée à convoquer celui-ci plus loin, lorsqu'il sera question de la construction du mythe masculin dans l'histoire du cinéma américain. Nous l'écartons cependant de notre analyse du genre Action, dans la mesure où l'exotisme des situations justifie là encore un écart de classification. L'exotisme n'est pas géographique dans le cas du swashbuckler, mais plutôt historique : Captain Blood (Michael Curtiz, 1935) The Adventures of Robin Hood (Michael Curtiz, 1938), et Scaramouche (George Sidney, 1952) se déroulent tous à des époques antérieures qui justifient le port de costumes contextualisés (malgré des relectures parfois flamboyantes, comme dans le Robin Hood de Curtiz), fait qui décale également la visibilité du corps masculin, absorbé dès lors par la référence historique. Les films cités ci-dessus n'appartiennent pas il est vrai à notre découpage historique, mais leurs héritiers auraient pu retenir notre attention. Il existe en effet deux versions de Robin des Bois réalisées par Kevin Reynolds en 1991 et Ridley Scott en 2010 (avec Kevin Costner et Russell Crowe, respectivement) ainsi que deux variantes des Trois Mousquetaires (The Man in the Iron Mask, réalisé par Randall Wallace en 1998, ou encore The Three Musketeers pour deux versions en 1993 et 2011). Dans tous ces cas, cependant, ce n'est pas tant le costume que le rôle qui absorbe la visibilité du corps : pensons seulement à Johny Depp déguisé en Jack Sparrow dans Pirates of the Caribbean. Nous faisons le pari que, aussi intéressantes ces incarnations soient-elles, elles ne concernent pas directement notre problématique de l'héroïsme. Concurrencé par le référent historique, le héros ne se déploie pas dans ces films avec la même autonomie que dans les films de notre corpus - et cet aspect est encore plus criant lorsqu'un référent littéraire prégnant détermine le trajet du héros. S'il fallait retenir un aspect du héros de swashbuckler, avant de le retrouver autrement questionné dans un autre chapitre, ce serait son ironie, son ton tongue-in-cheek, marque de fabrique d'Errol Flynn, et plus tard d'Orlando Bloom (un acteur au parcours atypique, et sans doute le seul héritier de Flynn à l'heure actuelle). Comme le note Thomas Sobchack, le héros du film de cape et d'épée "met fréquemment à distance ses actions et les situations pour les commenter avec ironie281". Nous retrouverons cette distance chez John McClane notamment, et les personnages de Jason Statham à sa suite. Au-delà de ce point précis, nous resserrons donc notre propos sur des films situés dans des milieux urbains, dans une époque contemporaine (et plus ponctuellement, dans le futur), où le héros possède une place centrale et solitaire, d'où il dirige le récit et son déroulement - en apparence tout au moins.

Ce sont ces proximités qui peuvent conduire Sébastien Boatto à affirmer que le genre action n'a pas "d'identité propre282". Cependant, notre définition, va dans le sens d'une définition exclusive du genre, du côté de l'actioner. Il faudrait dans cette perspective distinguer l'action (catégorie générale) et l'Action (les actioners). Pour éviter tout ambiguïté, nous parlerons donc d'Action quand nous ferons allusion à la forme radicalisée des actioners des années 80 à nos jours. Quand nous renverrons au groupe plus large de l'aventure, nous emploierons parfois le qualificatif d'action, qui désignera plutôt une scène ponctuelle marquée par le mouvement des corps, au sein d'un genre qui n'est pas nécessairement l'actioner (film de guerre, science-fiction).

La définition de l'Action se fonde donc sur un corpus de films plus réduit, dont l'Action semble plus essentielle, plus centrale que dans les films d'aventure. Steve Neale, Eric Lichtenfeld et José Arroyo utilisent tous globalement cette définition, mais parfois en gardant l'appellation d'action-aventure, ce qui peut prêter à confusion. Dès lors qu'il est question d'actioner, il y a néanmoins consensus sur les éléments (précédemment évoqués) qui le caractérisent : l'usage d'effets spéciaux, l'opposition radicale d'un héros et d'un méchant, l'usage de combats, poursuites et les explosions paroxystiques forment le gros des définitions, mais le film d'Action offre aussi son lot de romance, scènes comiques ou dramatiques. Cette vision éclatée peut sembler problématique, dans la mesure où elle définit l'Action comme une somme éclectique. Néanmoins, nous suivons Eric Lichtenfeld qui ne voit pas dans cette diversité une forme de fragmentation, mais bien plutôt la capacité de l'actioner à réunir, synthétiser des tropes, formes et récits283. S'il n'a pas d'identité propre, c'est qu'il rassemble trop d'identités, faisant référence à de multiples genres, par ses références et ses emprunts. Il s'agit donc bien d'un "patchwork générique284", comme Sébastien Boatto le suggère, mais avec un niveau supplémentaire de complexité. Non seulement le genre Action est hybride, mais il mêle les hybridités : économique (entre blockbuster et série B), générique (entre action "pure" et action-aventure, mais aussi avec le western, le film noir, etc.), formelle (par sa proximité, au travers du personnage, avec le burlesque, l'epic, le film de poursuite ou de vigilante) et enfin historique (entre un ancrage dans le présent et une identité ancienne, du côté des serials muets).

Malgré cette hybridité, relative également à une inscription post-moderne, le film d'action, tout comme le western dont il est souvent rapproché, fonctionne sur la répétition et un éventail d'intrigues relativement serré, tout en s'associant régulièrement avec des univers issus de genres différents. Ainsi il est paradoxalement à la fois "patchwork" et "monolithe". S'il est difficile de définir le film d'Action, le terme renvoie très immédiatement à des séries de films, qui formeront le noyau de notre corpus. Celui-ci s'ouvre sur les films apparus dans les années 80, tels que First Blood (Ted Kotcheff, 1982), Commando (Mark L. Lester, 1985), Raw Deal (John Irvin, 1986) suivis de Lethal Weapon (Richard Donner, 1987) et Die Hard (John McTiernan, 1988). Il faut cependant encadrer historiquement ces premiers exemples évidents. La critique s'accorde sur le choix de First Blood et Terminator comme premiers exemples du genre, dès 1982 et 1984. Simultanément émerge la série de films dite "MIA" (Missing in Action films285), notamment Uncommon Valor (Ted Kotcheff, 1983) et Missing in Action (Joseph Zito, 1984), dont les scénario de type "commando" annoncent certains développements du film d'action. Les deux films racontent le sauvetage de soldats restés prisonniers au Vietnam après que la guerre est terminée. Ignorés par des dirigeants bureaucrates et parfois corrompus, les prisonniers vont être libérés par un héros, ou un groupe de héros qui vient symboliquement, par son action de sauvetage, gagner symboliquement la guerre qui historiquement s'est terminée sur une défaite. En ce sens, ces films ont été dits "révisionnistes" ("revisionist286"), puisque leurs récits héroïques, situés au Vietnam (ou en Birmanie, Indonésie...) réécrivent d'une certaine façon l'histoire. Ce cycle, qui va dominer les années 80 (Missing in Action connaît deux suites, en 1985 et 1988) ouvre la voie à la franchise Rambo, dont le personnage est un vétéran du Vietnam. Il nous faut signaler enfin l'existence de Escape from New York, qui dès 1981 prend la forme tout à fait caractéristique d'une course contre la montre : la contrainte spatiale associée à la contrainte temporelle semble annoncer les futures formules du genre Action. Néanmoins le film de Carpenter, ainsi que sa suite de 1996 doivent occuper une place à part : il s'agit presque de parodies avant la lettre de l'actioner, puisque Carpenter s'emploie autant à définir un programme qu'à le démonter dans le temps même de son accomplissement.

Notons également que certaines filmographies s'arrangent de frontières plus poreuses, tel le découpage opéré par Sébastien Boatto287. Ces corpus établissent un lien entre le cinéma dit post-moderne des années 80 et le Nouvel Hollywood, suggérant ainsi une continuité qui s'incarnerait précisément par l'action, constamment exploitée de Coppola et Scorsese à John McTiernan. Ce dernier découpage nous semble trop large et problématique, puisqu'il revient à mêler l'action avec l'Action des actioners. Les multiples fusillades qui animent The Godfather: Part II (1974), ou la folie meurtrière de Travis Bickle dans Taxi Driver (1976) peuvent correspondre, isolément, à des pointes d'Action. Mais parce que les deux films précédemment cités incluent l'Action momentanément, et à égalité avec des scènes caractéristiques d'autres genres (le drame, la fresque familiale), ils ne peuvent coïncider totalement avec le principe de fonctionnement de l'Action au sens fort qui implique que l'action soit le "principal moteur narratif288".

En résumé, en 1983-1984 apparaissent donc les premiers actioners, principalement centrés sur la révision de la guerre du Vietnam. Ceux-ci vont lancer des cycles qui se poursuivront jusqu'au début des années 90. À la même époque, certaines franchises des années 70 sont maintenues (Dirty Harry, Death Wish) et inspirent des films de transition, entre western, action et vigilantisme (Chuck Norris dans Lone Wolf McQuade en 1983). La période est dominée par les deux Terminator et Aliens, qui ont en commun leur hybridité générique entre Action et science-fiction. Elle se termine tôt, avec la sortie en 1988 de Die Hard, qui par sa formule efficace et sa référentialité assumée, va inspirer les productions de la décennie suivante. Alors que l'action-aventure des années 50 à 70 semble s'épurer pour donner l'actioner des années 80, les années 90 amorcent un mouvement inverse de diversification. Le film d'action poursuit ses croisements des genres divers (principalement la comédie et la science-fiction), pour aller dans le sens d'une hybridité croissante. Cependant, dans les années 2000, certains films poursuivent des franchises que l'on croyait terminées, dans la ligne classique de l'actioner : Rambo qui vient clore la série vingt ans après le dernier film (Rambo III, en 1988), mais aussi de Collateral Damage (Andrew Davis, 2002), qui, s'il ne s'inscrit pas dans une série préexistante, voit Arnold Schwarzenegger endosser un rôle proche de ceux qui ont fait son succès dans les années 80 (Commando ou Predator, par exemple).

À partir de ces grandes lignes, nous avons donc élaboré notre corpus. Nous y incluons autant que possible les séries dans leur entier, quitte à étendre notre période d'étude : les retours des héros après une longue absence sont souvent plus significatifs que les deuxième, troisième films réalisés sur la base d'un premier succès. Les séries Rambo, Die Hard et Lethal Weapon trouvent tout naturellement leur place dans ce corpus, de par un statut presque "culte" par rapport à leur genre de référence. Il faut ajouter à cette liste les films de Arnold Schwarzenegger et de Sylvester Stallone, figures emblématiques du genre : si nous soustrayons les comédies à leurs filmographies respectives, nous obtenons un corpus relativement uniforme d'actioners, même si ces derniers peuvent occasionnellement être composites : c'est par exemple le cas de Demolition Man (pour Stallone) et The Sixth Day (pour Schwarzenegger), qui sur la base d'un récit de science-fiction développent un programme d'Action assez classique (avec une composante parodique forte pour le premier exemple). Des acteurs de série B comme Jean-Claude Van Damme ou Steven Seagal présentent des carrières intéressantes malgré une uniformité de leurs filmographies respectives. Nous choisissons d'ailleurs de ne les mentionner que ponctuellement, tant ces deux acteurs (et avec eux Chuck Norris) nous semblent mériter un traitement spécifique.

Il faut inclure par ailleurs des franchises plus récentes, comme Mission: Impossible (à partir de 1996) et Jason Bourne (de 2004 à 2007 pour le premier cycle), et un film de traque comme The Fugitive (1993). Il nous arrivera également de convoquer des films moins connus, tel Terminal Velocity (1994) qui relève davantage du thriller. Ce film a cependant le mérite de rapprocher l'Action des sports extrêmes, une direction significative289 qui sera développée la décennie suivante, et qui interroge le rapport des corps musclés à l'héroïsme des sportifs, comme son successeur xXx (2002). Enfin, nous serons amenée à compléter ce corpus lorsque nous aborderons la question des héros voyants, en incluant principalement des films fantastiques postérieurs à 1990. Nous souhaitons que l'inclusion de films tels que Minority Report éclaire nos films d'action sous un autre jour, dans la mesure où ceux-ci subordonnent l'action à la réalisation préalable d'une épreuve de perception ou d'une analyse visuelle de l'environnement. L'hybridité de notre corpus reflète donc l'hybridité intrinsèque du genre : nous avons ainsi utilisé le statut culturel, la dimension actorale et les scores au box office pour constituer un corpus assez imposant, qu'il nous faudra démêler.

1.5 L'Action comme expression d'une époque : le problème théorique des "années Reagan"

Le corpus de départ ainsi dégagé se différencie en fin de compte assez peu d'un ensemble qui a souvent été isolé comme "cinéma reaganien". Tout comme le processus de classement par genres, cette dénomination historique charrie sa part d'embarras, même si la critique qui l'a fondée a le mérite d'avoir reconnu un intérêt à un ensemble de films souvent délaissé. De façon notoire, Andrew Britton a parlé de "divertissement reaganien" ("reaganite entertainment") dès 1986290, et sa thèse, plutôt pessimiste quant à la créativité du cinéma américain a été reprise et étoffée par Robin Wood291 à la même époque. L'aspect rituel de la projection, associé à des intrigues prévisibles, destinées à extraire le spectateur de son quotidien (aspect désigné en anglais sous le terme "escapism") apparait comme la caractéristique principale du cinéma reaganien selon Britton292. Wood s'appuie sur cette position, et la prolonge en insistant sur l'aspect régressif du cinéma à partir des années 70 et plus encore dans les années 80 ; en effet, l'auteur pose que des films comme E.T.: The Extra-Terrestrial (Steven Spielberg, 1982) ou Star Wars"construisent le spectateur adulte en tant qu'enfant293", c'est-à-dire un spectateur désireux de se réfugier dans un monde fictionnel confortable, où le héros résout magiquement les conflits et les problèmes. La radicalité de la position de Britton et Wood a été relevée par leurs lecteurs, notamment Yvonne Tasker294, dont le spectre d'analyse est tout de même plus large. Cependant, le prédicat qui fait du cinéma reaganien un pâle écho du cinéma classique n'est qu'assez rarement contesté, alors qu'elles ferment tout de même le propos. Alors que "reaganien" recouvre chez Wood et Britton un contexte culturel, d'autres lui assignent une valeur idéologique plus forte. Ainsi, le héros reaganien devient en concept une forme plus figée que son modèle, nécessairement réactionnaire, machiste et régressive, dans la mesure où il confirme les lois du patriarcat, la suprématie de l'homme blanc tout en nuançant cette domination en étant victimisé. Si nous souhaitons nous éloigner de ce découpage trop strict, qui écrase les occurrences du héros américain sur un seul et même modèle, nous rejetons tout autant la praticité du terme "reaganien" appliqué à un découpage historique. Le concept même de "reaganien" ou de "reaganisme" recouvre plusieurs significations. Il peut s'agir de la politique de Ronald Reagan, de son discours et de son idéologie. Selon une analyse plus déterministe, "reaganisme" pourra concerner non seulement une politique, mais le champ social et culturel d'une époque : ici déjà, nous voyons qu'une telle analyse revient à supposer une certaine uniformité des contenus rattachés à une époque. Nous suivons ainsi Frédéric Gimello-Mesplomb lorsqu'il affirme que l'usage de "chromonymes" induit une "géométrie variable des concepts295". L'auteur fait également écho à Rick Altman, qui refuse d'aligner tout film sur une position politique296. Ce sera donc notre ligne : garder la conscience d'un contexte (la présidence de Ronald Reagan comme fait historique, incontestable), sans déduire de celui-ci un modèle idéologique unique.

Nous affirmons en revanche que la notion de héros reaganien est nécessairement problématique, dans le sens où elle forme un raccourci qui dans l'étude spécifique du héros peut prêter à confusion. Revenons cependant à ces "années Reagan", source du concept qui s'applique au héros : en tant que moyen de délimiter une période, la formule est déjà relativement efficiente. En effet, le mandat de Ronald Reagan s'achève en 1989, et s'il se produit une rupture idéologique, celle-ci ne semble pas particulièrement sensible dans les films du corpus. En effet, la fin des années 80 voit à la fois la poursuite des séries amorcées au début de la décennie (Rambo, Die Hard) et l'inflexion du genre vers la comédie (Lethal Weapon, Red Heat) et le film familial (True Lies). Dans tous les cas, nous n'observons ni un fléchissement dans la radicalité des films (qui tient à leur violence, principalement), ni au contraire un durcissement réactionnaire des règles du genre. Il semble alors étrange de garder le nom du président pour emblème : qu'il ait cité Rambo comme candidat idéal pour l'armée américaine ne nous suffit pas297.

Nous pourrions alors supposer, en suivant Pascale Fauvet, que l'idéologie dépasse l'impact du seul mandat : le cinéma serait reaganien dès Carter et après Reagan298. Le héros reaganien, malgré sa dénomination, ne trouverait pas ses racines en Ronald Reagan, mais dans un autre westerner à l'écran, John Wayne :

Il s'agit donc plutôt pour le héros reaganien de défendre les valeurs initialement incarnées par John Wayne et dont la continuité s'est trouvée assurée par Ronald Reagan, valeurs dont ils se sont tous deux faits les apôtres, à la fois en tant qu'acteurs et hommes publics. Le héros reaganien incarne une image idéalisée du citoyen américain, l'image créée par John Wayne, l'idéal du citoyen américain qui ne remet jamais en cause les décisions de son Président, et contribue à les soutenir s'il le faut299.

La définition du héros "reaganien" semble alors curieusement mobile ; d'un côté cet héroïsme se rapproche d'une héroïsation du président, de l'autre, la structure des films fait fréquemment apparaître la trahison des élites. D'une part, il est question d'un héros reaganien qui s'exprime avant tout dans l'Action (l'emblématique Rambo), de l'autre Rocky, qui n'est pourtant pas un héros d'action, apparaît comme le premier héros reaganien300. La souplesse du concept permet ainsi de nombreuses torsions : "reaganien" devient alors synonyme de héros, ou plutôt, il n'est pas de héros qui ne soit reaganien. Dans le cas de Rambo, le rapprochement semble légitime, puisque la photographie même du président apparaît dans Rambo: First Blood Part II. Dans ce cas, comme l'explique Susan Jeffords301, l'image de Reagan devient celle du "bon chef" par opposition aux autorités corrompues représentées par Marshall Murdock. Reagan cite Rambo, Rambo cite Reagan : difficile dans un tel cas de ne pas utiliser le chromonyme. Mais si nous suivons encore Pascale Fauvet, la catégorie devient curieusement élastique. Uma Thurman incarnerait dans Kill Bill: Vol. 1 (2003) une occurrence du héros reaganien302, ainsi que Harry Potter, les personnages de The Lord of the Rings et tous les protagonistes des films de super-héros. Le concept s'applique alors à tout film, indépendamment du contexte culturel qui le définit en premier lieu. Dans le cas de Kill Bill, la distance du mandat Reagan, le fait qu'il s'agisse d'une héroïne, et plus important encore, d'une protagoniste dont l'héroïsme s'accommode de la maternité303 nous semble aller à l'encontre d'une telle qualification - sans parler du second degré pratiqué par Quentin Tarantino, qui permet une mise à distance significative. Quant à Harry Potter et aux héros de The Lord of the Rings, il semble curieux de les placer dans cette catégorie, sans prendre compte dans les deux cas de l'impact de la référence littéraire dans la définition du héros - sans parler de leur nationalité, britannique dans les deux cas (de façon plus distante dans The Lord of the Rings, il est vrai). L'élasticité du concept "reaganien" permet de généraliser une définition de l'héroïsme : elle constitue au fond une catégorie générique, fondée sur un chromonyme et des éléments idéologiques, qui tend à rassembler un ensemble de héros qui pour nous sont bien distincts.

La catégorie "reaganien", alors qu'elle invoque à l'origine un contexte historique et idéologique, est souvent associée à un type particulier d'analyses pratiqué dans le cadre de la critique dite gender. Parler d'un héros "reaganien" revient, à la suite de Susan Jeffords et Yvonne Tasker (dont les analyses, concernant le film d'action, sont par ailleurs riches), à mesurer l'héroïsme du personnage à la mesure de sa masculinité et de sa victimisation. Le héros reaganien incarnerait le paradoxe d'un corps tout puissant, tout en muscles qui se trouve affaibli, torturé au fil de l'histoire. Dans cette ligne théorique, Marianne Kac-Vergne identifie par exemple les scènes de torture de Rambo II à des symboles christiques. Cela n'est pas intrinsèquement faux, mais ce rabattement de l'image du corps sur le symbolique (symbole d'une masculinité, symbole du Christ...) fait finalement passer à côté de l'image elle-même. L'Action est en effet un genre du corps, qui passe par son exhibition et sa mise en souffrance. L'enjeu pour nous est de saisir ce corps, attribut du héros, comme autre chose que la seule "image de". Il s'agit de revenir au corps lui-même, en deçà du régime symbolique dans lequel la théorie du héros reaganien le fixe. Nous prendrons donc ce terme de "reaganien" avec précaution, en nous rappelant que la récupération politique du cinéma n'a pas commencé avec Reagan. Avant lui, Nixon utilisait Chisum pour "donner une petite leçon à la nation" ("to preach a little lesson to the nation304") et c'est plus tard Bill Clinton qui prend de court son adversaire Bob Dole en 1996 en citant la récente destruction de la Maison Blanche dans Independence Day305. Ce film n'a cependant jamais été perçu comme un film "clintonien". Le détournement rejoint parfois l'auto-citation : Schwarzenegger, élu gouverneur de Californie, n'a pas hésité à reprendre l'emblématique "hasta la vista, baby" du Terminator dans une interview donnée en 2008 à CNN306. De ce pot-pourri de références, nous souhaitons tirer une règle de prudence : cinéma et politique entretiennent des liens étroits aux États-Unis, sans aucun doute dignes d'étude ; mais dans une perspective esthétique et culturelle, il est nécessaire de veiller à ne pas rabattre le sens d'une image sur un prétendu message politique.

Il nous semble également souhaitable de ne pas utiliser les présidences américaines comme des tiroirs enveloppant nécessairement la production de leurs époques. Nous suivons ainsi Laurent Kasprowicz lorsqu'il remarque :

Exacerbée par l'envie de dévoiler ce que le spectateur ordinaire ne voit pas, de démonter la mécanique idéologique qui sous-tend les films de Stallone, la critique française a choisi sa propre grille de lecture : Rambo et Rocky seraient des films de propagande reaganienne. Finalement ces films en disent peut-être autant sur le contexte politique de l'époque que sur le contexte intellectuel de leur réception critique307.

Il existerait en effet bien des événements qui peuvent permettre de comprendre l'évolution du héros dans les années 80 : la mort de John Wayne en 1979, le succès des romans de Tom Clancy dans les années 80 et le succès de Iron John: A Book About Men écrit par Robert Bly en 1990 constituent autant de repères qui forment le contexte d'idéologique d'apparition d'un héros dit reaganien. Il faut aussi prendre en compte l'aspect réactionnaire de la culture des années 80 aux États-Unis. Dans les années 70, les mouvements féministes ont enfin permis aux femmes de revendiquer un statut égal à celui des hommes, tandis que de nouveaux modèles masculins ont pu émerger (par l'affirmation d'une culture gay, ou d'une androgynie assumée pour les hétérosexuels). Ce brouillage, vécu par une partie de la population comme une perte de repères, a conduit à un "backlash", autrement dit un retour de flamme d'une pensée traditionnaliste, construite autour d'une répartition claire des rôles des individus selon leur genre. Tout en étant consciente de la prégnance de cet "esprit du temps", nous éviterons toutefois d'employer systématiquement le chromonyme "années Reagan", et plus spécifiquement son corollaire "le héros reaganien" pour chercher au cours de ce chapitre un point de vue alternatif fondé sur les incarnations successives et variées de l'héroïsme d'action.


207. GIMELLO-MESPLOMB Frédéric. Avant-Propos. 2007, p. 13.
208. "S’il est une esthétique du cinéma, elle a été découverte en même temps que l’appareil de prises de vues et le film, en France, par les frères Lumière. Elle se résume en un mot : "mouvement", auquel nous ajouterons aujourd'hui le mouvement intérieur de l'action [...] Quand les frères Lumière ont voulu démontrer la valeur de leur merveilleuse invention, ils n’ont pas présenté sur l’écran un paysage mort ou un dialogue entre deux personnages muets : ils nous ont donné L’Arrivée d’un train, Une charge de cuirassiers et cet Arroseur arrosé qui fut le père du film comique", in CLAIR René. Cinéma d’hier, cinéma d’aujourd’hui. 1970, p. 62-63.
209. "Action" avec un "a" majuscule renvoie pour nous au genre Action dans son ensemble. Nous garderons par contre la terminologie "film d'action", communément admise.
210. La remarque paraîtra peut-être tautologique ; néanmoins la tautologie est constitutive du genre ici en question. Le film d'action ne prétend pas donner plus que les éléments, déroulés un à un, qui composent son programme d'actions : tant que "ça avance", le contrat est rempli. David Morin-Ulmann commente de façon similaire : "Il y a un caractère tautologique dans les figures institutionnelles du film d'action [...] Il apparaît que cette "avarice de sens" est le propre de la sensation ; celle-ci est directive : elle demande à être comprise immédiatement", in MORIN-ULMANN David. "Qu'est ce que l'action dans les films à grand spectacle ?". 2007, p. 69.
211. TREGUER Florian. "Excès, hybridation et régression : La nouvelle donne du film d'action selon John McTiernan". 2007, p. 99.
212. "The term 'action-adventure' is nowadays mainly used to describe what was perceived in the 1980s and 1990s to be a new and dominant trend in Hollywood's output, a trend exemplified by the Alien films (1979, 1986, 1993), the Indiana Jones films (1981, 1984, 1993), the Rambo films (1982, 1985, 1988), the Die Hardfilms (1988, 1990, 1995) and the Terminator films (1984, 1991), as well as by films like Total Recall (1990) Point Break(1991), The Last of the Mohicans (1992) and Braveheart(1995)", in NEALE Steve. "Action-Adventure as Hollywood Genre". 2004, p. 71.
213. HAMMOND Michael. "Saving Private Ryan's 'Special Affect' ". 2004, p. 153.
214. Nous ne pensons même pas à de complexes effets numériques : le montage, tout simplement, peut être un instrument dans la mise en fiction d'un surhomme ; il permet par exemple de filmer une course sans fin, où le héros ne serait jamais fatigué.
215. "Actions films could be described as a genre of the body. In action cinema, the body is foregrounded and its significance made obvious. What should not be lost in the appeal of wanting to study the idealised bodies of some stars is that film presents a far wider currency of bodily types than the physical perfection of the male and female action heroes", in McDONALD Paul. "Reconceptualizing Stardom". 1998, p. 182.
216. SINGER Ben. " 'Child of Commerce! Bastard of Art!'. Early Film Melodrama". 2004, p. 61.
217. Et, de fait, il s'agit bien de sites : les lieux des films d'action se doivent d'être clairement identifiés. Il s'agit de grandes villes, où la purge précédemment évoquée concerne fréquemment des lieux emblématiques ; sur ce point, le film d'action s'inscrit également dans la continuité du film catastrophe.
218. Nous pouvons penser à une exception, Road House (Rowdy Herrington, 1989), qui effectue un retour vers le western en contextualisant son action dans la petite ville de Jasper, Missouri.
219. LEUTRAT Jean-Louis, LIANDRAT-GUIGUES Suzanne. op. cit., p. 61-62. Les auteurs indiquent là l'ambiguïté du terme, qui peut renvoyer au film lui-même (western à la tonalité crépusculaire, dans le cas de Unforgiven) ou à l'époque traitée (western de "l'Ouest crépusculaire" pour Cheyenne Autumn). Nous tâcherons de conserver cette nuance à l'esprit lorsque nous réévaluerons la notion dans le champ de l'Action.
220. DAHAN Yannick. Volte/Face, Le choix des armes. Positif, 1997, p. 30.
221. "Le film-catastrophe fait naître des héros, arrachés au quotidien et promus au rang de sauveur", in BERTHOMIEU Pierre. Le cinéma Hollywoodien. op. cit., p. 53.
222. C'est-à-dire que l'opérativité du système domine la chose représentée, selon le sens donné par Michel Foucault à "fonctionner" lorsqu'il écrit que le langage classique "fonctionne" plutôt qu'il "existe", in FOUCAULT Michel. Les mots et les choses. 1966, p. 93.
223. Cf. MITCHELL Edwards. "Apes and Essences". 1995, p. 219.
224. Il faudrait bien sûr nuancer, puisque souvent, l'incompétence des dirigeants se trouve à l'origine de l'incident qui amorce la catastrophe (The Towering Inferno, The Poseidon Adventure, entre autres) ; cf. YACOWAR Maurice. "The Bug in the Rug: Notes on the Disaster Genre". 1995, p. 273.
225. Rick Altman, en 1995, parle de du film catastrophe comme d'un genre disparu, ce qui nous semble un peu sévère. Si l'engouement qui entourait le genre n'est plus le même que dans les années 70, il survit cependant, parfois assimilé à d'autres formes ; in ALTMAN Rick. "A Semantic/Syntactic Approach to Genre". op. cit., p. 36.
226. Après le 11 septembre, les représentations du collectif, notamment par le biais d'images de foules ou de groupes compacts, fait retour, de Spider-Man 2 à War of the Worlds.
227. "Generic prescriptions have historically limited the interplay between action films and comedies. Comedy’s inversion of social hierarchies potentially places the male hero’s dominant gender position in distress, a transformation that poses serious structural problems for the action cinema", in GALLAGHER Mark. Action Figures. 2006, p. 163.
228. Il y a bien sûr quelques exceptions : Bruce Willis, venu à l'origine de la comédie, tourne Die Hard en 1988 mais revient à un registre inspiré par le slapstick dans Hudson Hawk (1991), une comédie parodiant les films d'aventure. Entre autres déconstructions, on y voit un combat entre Willis et James Coburn, sonorisé avec des bruits de ressorts et de crécelles.
229. LEUTRAT Jean-Louis, LIANDRAT-GUIGUES Suzanne. op. cit., p. 59.
230. KRÁL Petr. Le burlesque ou la morale de la tarte à la crème. 2007, p. 66.
231. Ibid., p. 212.
232. GAFFEZ Fabien. "La peau dure". 2009, p. 92.
233. KRÁL Petr. op. cit., p. 72.
234. Král cite ainsi une phrase de René Clair qui résume tout à fait le comportement des corps dans les films d'action : "un monde léger où la loi de la pesanteur semble remplacée par la joie du mouvement", in CLAIR, René. Réflexion faite. 1951, p. 65, in KRÁL Petr. op. cit., p. 45.
235. GAFFEZ Fabien. op. cit., p. 95.
236. Entre guillemets dans le texte ; Peter KRÁL. op. cit., p. 167.
237. Ibid., p. 77.
238. BIGORGNE David. "Gladiator ou le retour du péplum-opéra". 2004, p. 50-65.
239. Par exemple, l'excès du péplum se lit dans la durée même des films, qui dépasse très souvent les deux heures. L'excès est en somme inverse dans l'action, car il n'est pas exceptionnel de trouver des films de seulement 90 minutes.
240. JULLIER Laurent. L'écran post-moderne. op. cit., p. 38.
241. Ibid.
242. Ibid., p. 7.
243. Ibid., p. 63.
244. Ibid., p. 80.
245. Les exemples sont nombreux ; parmi eux, nous pensons à la caméra qui se faufile à la suite de John McClane dans les cages d'ascenseur de la tour Nakatomi. Le bullet time effect de Matrix correspond aussi, d'une certaine manière, à un point de vue non anthropomorphique (l'impossible est temporel autant que spatial).
246. L'instant replay se définit comme une forme particulière du montage, qui permet au spectateur de revoir une action précédemment jouée. Cette forme peut être rencontrée dans des films d'action plus contemporains, et évoque tout autant la retransmission télévisée d'événements sportifs que le jeu vidéo.
247. It is a film "which has a very strong sense of style, which is generic and which relies on recognisable character types. Most importantly, it is also one which processes strongly marketable elements or 'marketing hooks'. In short, it is a film whose central narrative idea can be encapsulated in a 'one-line concept', and a simple but striking visual image and/ or logo which finds its way onto the film's posters and other publicity materiaI", in WILLIAMS Rachel. "They Call Me "Action Woman"/ The Marketing of Mimi Leder as a new concept in the high concept 'action' film". 2004, p. 387.
248. Steven Spielberg, qui a largement utilisé ce modèle, définit ainsi le high concept : "Si une personne peut me décrire une idée en 25 mots ou moins, cela va faire un bon film. J'aime les idées, surtout les idées de films, que l'on peut tenir dans le creux de la main" ("If a person can tell me an idea in 25 words or less, it's going to make a pretty good movie. I like ideas, especially movie ideas, that you can hold in your hand"), in WYATT Justin. High Concept. Movies and Marketing in Hollywood. 1994, p. 13.
249. Ibid., p. 10-11.
250. "In effect, the industry utilizes high concept in a prescriptive manner [...] while the media uses the term in an evaluative sense", ibid., p. 14.
251. On lit en effet chez Peter Biskind : "Les treize années qui séparent Bonnie & Clyde en 1967 et Heaven's Gate en 1980 ont constitué la dernière période à Hollywood où il était stimulant de faire des films, la dernière période où les gens pouvaient être fiers des films qu'ils réalisaient, la dernière période où le travail de qualité était encouragé, la dernière période où le public pouvait le soutenir" ("The thirteen years between Bonnie and Clyde in 1967 and Heaven's Gate in 1980 marked the last time it was really exciting to make movies in Hollywood, the last time people could be constantly proud of the pictures they made, the last time the community as a whole encouraged good work, the last time there was an audience that could sustain it") in BISKIND Peter. op. cit., p. 17.
252. AUGROS Joël. "L'économie des studios hollywoodiens dans les années 80". 2007, p. 31. et SHONE Tom. Blockbuster. How Hollywood Stopped Worrying and Love the Summer. 2004, p. 107.
253. Nous pensons ici à la politique de rachats dominant le paysage de la fin des années 80. Times Inc. fusionne avec Warner Communication pour devenir le conglomérat Time Warner, tandis que Columbia est rachetée par Sony en 1989 ; cf. SCHATZ Thomas. "The New Hollywood". 2003, p. 36.
254. "a trailer for later sales", cf. KLEINHANS Chuck. "Movies and the New Economics of Blockbusters and Indies". 2008, p. 96.
255. En 1986, les recettes du box office ne représentent plus en moyenne qu'un quart des revenus totaux générés par le film, in SCHATZ Thomas. "The New Hollywood". op. cit., p. 32.
256. On nomme "consent decrees" les lois antitrust ayant visé, dans un premier temps, à ébranler le monopole de la Paramount (on parle aussi de "Paramount Decrees"). Avant ces lois, les studios distribuaient leurs films dans des salles dont ils étaient propriétaires ; cf. BUCKLAND Warren. "The Role of the Auteur in the Age of the Blockbuster. Steven Spielberg and Dreamworks". 2003, p. 84-98.
257. Ce principe est parfois détourné, comme a pu le tenter George Lucas lors de la sortie de The Phantom Menace en 1999 : en diminuant le nombres d'écrans sur lesquels est sorti son film, il a créé une situation où la demande était plus forte que l'offre. Les files de spectateurs s'allongeant devant les cinémas ont participé de la promotion du film, en même temps qu'elles rappelaient avec nostalgie l'engouement pour le premier film dans les années 70.
258. KLEINHANS Chuck. "Movies and the New Economics of Blockbusters and Indies". 2008, p. 93.
259. BILEFSKI Dan. Rocky et Tarzan, Héros des Balkans [ en ligne ]. Courrier International. 2007.
260. "Un pont Chuck Norris en Slovaquie ?" [ en ligne ]. Dépêche de l'agence Reuters, publiée par lefigaro.fr. 24 février 2012.
261. WELSH James M. "Action Films: The Serious, The Iconic, The Postmodern". 2000, p. 165.
262. SCHATZ Thomas. "The New Hollywood". op. cit., p. 20-21.
263. "Hollywood seems to have lost or abandoned the art of narrative. . . [Filmmakers] are generally not refining stories at all, they are spicing up "concepts" (as they like to call them), refining gimmicks, making sure there are no complexities to fur our tongues when it comes time to spread the word of mouth", in SCHIKEL Richard. "The Crisis in Movie Narrative". Gannett Center Journal, 1989, p. 3-4., cité par SCHATZ Thomas. ibid., p. 39. Les coupes sont de Schatz.
264. Ibid.
265. HIGGINS Scott. Suspenseful Situations: Melodramatic Narrative and the Contemporary Action Film. Cinema Journal, 2008, p. 81.
266. BORDWELL David. The Way Hollywood Tells It. 2006, p. 5-13.
267. Ibid., p. 12.
268. Nous reviendrons sur le statut du film de super-héros, en tant que genre, cf. infra., p. 499-505.
269. WILSON Brian. Lost in Translation. On Frank Miller's The Spirit. Cineaction, 2009, p. 55.
270. "every film in the current superhero cycle is without depth", in WYNTER Kevin. Of Depth and Surface. Notes on Watchmen and other (non)reflections on phenomenological film experience. Cineaction, 2009, p. 72.
271. BOURGET Jean-Loup. Hollywood, la norme et la marge. op. cit., p. 52.
272. "While films like the Pirates of the Caribbean series (2003, 2006, 2007) and National Treasure (2004) might not have been considered "action" films in previous decades, they have gained much ground in earning that designation, largely because the action genre has become an increasingly amorphous class of pictures", in LICHTENFELD Eric. Action Speaks Louder. op. cit., p. 322.
273. "La poursuite est le véritable genre narratif du cinéma, qui a fourni un modèle causal et linéaire" ("The chase had been the original truly narrative genre of the cinema, providing a model for causality and linearity"), in GUNNING Tom. "The Cinema of Attractions: Early Film, Its Spectator and the Avant-Garde". 1990, p. 60.
274. LINDSAY Vachel. De la caverne à la pyramide (Écrits sur le cinéma 1914-1925). 2012, p. 46.
275. Ibid., p. 75.
276. "L'intrigue du Film d'Action, métaphoriquement ou littéralement, est toujours une poursuite sur une route ou sur une course de haies", ibid., p. 132.
277. Par exemple chez GALLAGHER Mark. op. cit., 2006, p. 53.
278. "Helen n'est jamais dans l'être, elle est dans le faire - "elle chevauchait" ; "elle a évité" ; "elle a sauté" ; "elle a conduit" [...] Helen est un moins un sujet à part entière que ce que nous pourrions appeler un personnage mécanique, ce qui est une autre manière de dire que son personnage est plat, puisqu'il lui manque les formes traditionnelles de la profondeur psychologique, de la concentration et de la contemplation" ("Helen never is, she only does - 'she rode'; 'she averted'; 'she leapt'; 'she drove' [...] Helen is less a proper subject than what me might call a mechanical character, which is another way of saying this character is flat, lacking traditional forms of psychological depth, absorption, and contemplation") in BEAN Jennifer M. "Notes on Early Action Cinema". 2004, p. 26.
279. Ibid.
280. BOURGET Jean-Loup. Hollywood, la norme et la marge. op. cit., p. 39-40.
281. "the swashbuckling hero, like a precursor of James Bond, will often distance himself from his actions and situation to commentupon them ironically", in SCHATZ Thomas. "The Adventure Film". op. cit., p. 13.
282. Ibid., p. 84.
283. LICHTENFELD Eric. Action Speaks Louder. op. cit., p. 5.
284. BOATTO Sébastien. "Le film d'action hollywoodien : définition, origines et règles du genre". 2007, p. 83. C'est une position partagée notamment par Rachel Williams, qui écrit que "le film d'action n'est pas un genre clairement défini ou clairement définissable" ("the action movie is not clearly defined or definable genre") in WILLIAMS Rachel. " 'They call me 'Action Woman'/ The Marketing of Mimi Leder as a new concept in the high concept 'action' film". 2004, p. 386.
285. Ce sous-genre, entre guerre et action, rassemble les films qui racontent le sauvetage de soldats faits prisonniers pendant la guerre du Vietnam et "oubliés" en territoire ennemi par le gouvernement américain.
286. Par exemple chez Yvonne Tasker ; TASKER Yvonne. Spectacular Bodies. op. cit., p. 92.
287. BOATTO Sébastien. "Le film d'action hollywoodien". op. cit., p. 72-73.
288. GIMELLO-MESPLOMB Frédéric. Avant-propos. op. cit., p. 13.
289. Cette particularisation du genre est déjà lisible dans Point Break (Kathryn Bigelow, 1991) et Cliffhanger (Renny Harlin, 1993).
290. BRITTON Andrew. "Blissing Out: The Politics of Reaganite Entertainment (1986)". 2009, p. 97-154.
291. WOOD Robin. Hollywood, from Vietnam to Reagan, and Beyond. op. cit., p. 144-167.
292. BRITTON Andrew. op. cit., p. 99-101.
293. "films that construct the adult spectator as a child", in WOOD Robin. Hollywood, from Vietnam to Reagan, and Beyond. op. cit., p. 145.
294. Tasker cite les deux auteurs lorsqu'elle parle de l'Action, in Spectacular Bodies. op. cit., p. 58-59.
295. GIMELLO-MESPLOMB Frédéric. Avant-Propos. op. cit., p.15.
296. ALTMAN Rick. op. cit., p. 633-634.
297. Ronald Reagan a ainsi célébrement commenté la libération des otages américains au Liban en 1983 : "J'ai vu Rambo hier soir. Maintenant je sais quoi faire si la situation se reproduit" ("After seeing "Rambo" last night, I know what to do next time it happens"), in TASKER Yvonne. Spectacular Bodies. op. cit., p. 92.
298. FAUVET Pascale. op. cit., 155-157.
299. Ibid., p. 156.
300. Ibid.
301. JEFFORDS Susan. The Remasculinization of America. 1989, p. 129.
302. Ibid., p. 164.
303. En cela, Black Mamba résout la contradiction qui animait Ripley dans la série Alien : celle-ci manifestait un héroïsme selon des canons masculins (pour le coup, davantage "reaganiens") et échouait sans cesse dans sa quête de la maternité. Le dernier film de la série tente par ailleurs de répondre à cet échec, cf. MARQUES Michel. À son corps défendu, à propos d'Alien Resurrection. Tausend Augen, 1998, p. 43-46.
304. FRENCH Philip. op. cit., p. 184.
305. "Quelqu'un m'a dit que je venais aujourd'hui à Youngstown parce que la Maison Blanche va être détruire par des extra-terrestres. J'espère qu'elle sera encore là à mon retour" ("Somebody said I was coming to Youngstown because this is the day the White House gets blown away by space aliens. I hope it's there when I get back") ; in SHONE Tom. Blockbuster. op. cit., p. 198.
306. BUSTAMANTE Cruz. Schwarzenegger Wants to Rescue California. [ en ligne ]. 8 août 2003.
307. KASPROWICZ Laurent. "La réception française de Rambo II et Rocky IV : et si ce n'était pas des films de propagande ?". 2007, p. 291.

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